01/02/2011

Chap.9 Access to the Second Floor (Sexypop)

Je me suis levé tôt.
Dehors, il faisait un froid de loup, alors que le soleil passait à peine au dessus du périphérique. J’avais encore une journée à passer dans le luxe et la volupté, et après, le néant.
J’avais décidé de me perdre, de me laisser guider par le hasard, après tout, c’était lui qui avait accéléré les choses, et de penser les prochaines semaines en pleine aventure, pour sentir, ressentir, tenter de deviner.
Cela doit sembler bien frivole, cette peur du vide, pour ceux qui avalent les kilomètres par dizaines de milliers, ces groupes de je côtoie, que je vénère. C’est comme si j’avais tracé la route avec eux. Mais maintenant, où est-ce que cela pouvait bien me mener, toutes ces conneries?
Il me restait quelques heures avant l’arrivée d’Olivier. François avait passé la nuit dans mon canapé, il dormait encore, en caleçon et à moitié étalé sur le tapis. On avait discuté pas mal la veille. De tout et donc forcément de rien. Et donc forcément d’Ines. En voyant ma tête, François n’avait pas insisté. Il s’était tu longtemps, ayant la délicatesse de me laisser parler en premier, rassuré quand même que j’accepte de le garder à ma table. On avait délaissé la bière pour du rouge puissant, sirupeux. Je lui ai dit qu’il n’y avait rien à dire. Mon estomac s’est alors dénoué, la première bouchée est passée, quand l’image sexuelle d’Ines s’est un peu estompée, comme si elle faisait partie d’un cauchemar délétère et délayable dans l’alcool, et nos conversations ont basculé sur les autres femmes qui ont ponctué mes derniers mois sous perfusion.
Anne Sophie, un rencard organisé par François, justement. Quand mes potes organisent une rencontre, je décide aussi sec que la personne qu’ils veulent me coller est la plus grosse connasse superficielle de France. Je m’en fous si elle ressemble à Kate Beckinsale ou si elle pense que « Lâchons les chiens » de Brady Udall est le le meilleur bouquin jamais écrit. C’est une idée d‘un pote, alors je ne suis pas intéressé. Parce que le truc bien avec les amis, c’est qu’on les choisit soi même. C’est déjà assez mortel de ne pas pouvoir choisir sa famille. Si en plus je ne pouvais pas choisir mes « conquêtes », je crois que j’en chialerai de désespoir. Une vie d’assisté notoire. Je préfèrerai encore vivre sur une île déserte. Une île en béton, avec une rampe. Une île avec mes Cds, mes films, mes bouquins…
Andrea, l’étudiante venue du froid. Cinq jours. Je me foutais de sa gueule, elle le savait mais au lieu de me snober, ce qui aurait été une solution, elle continuait à se marrer, à ouvrir de grands yeux, brillants d’ironie. Au bout de deux jours, quelque chose avait cédé en moi. J’ai voulu désespérément me faire aimer de cette fille. Mais je n’étais pas sûr qu’elle veuille la même chose. Elle était repartie comme elle était venue, avec un T-shirt élimé, estampillé Mudhoney et une compilation de hardcore hongrois.
Alicia, qu’il valait mieux avoir comme amie que comme ennemie. Deux jours de relation, trois semaines de cris, de pleurs, d’appels en absence de gravier jetés sur mes volets, de lettres tourmentées, de chantage au suicide. François s’est marré et, en silence, m’a reservi un verre de rouge.
Les filles peuvent être comme ça. Elles cherchent la bagarre. Si le monde était moins tordu, ce serait pas comme ça. Dans un monde normal, le fait qu’une fille soit sympa avec moi serait bon signe, les « je t’aime » seraient vrais. Mais dans le monde réel, ce n’est pas le cas.
« -Tout ce que j’essaie de te dire, c’est que je ne suis plus capable d’agir simplement. Il n’y a eu qu’une rencontre vraiment à part, une rencontre où je me rappelle de tout. Je me rappelle du temps qu’il faisait, de l’odeur du tramway, comment j’étais fringué, comment elle était fringué. Je me rappelle que tout à été facile quand je l’ai vue. Tu vas penser que tout ça est crade, minable, typique des histoires d’adolescents modernes, à la lumière de ce qui s’est passé par la suite.
-Ecoute Max… Ferme-là, je t’en supplie.
J’ai lancé « Seing Diamonds » d’Hot Water Music, une rareté d’un groupe trop rare dans les platines du pékin moyen. François semblait apaisé. Il s’est balancé en arrière dans son fauteuil et s’est allumé une de mes clopes.
-Et Morgane? Tu l’aimais bien Morgane, non?
-Tout ce que je peux dire c’est que, crois le ou non, les amourettes, c’est comme tout ce qui est bien.
-Excellent! Tu progresses!
-Une fois qu’on y a goûté, on n’a plus envie d’en faire tout un plat. Ca existe, c’est génial mais c’est pas pour autant que je vais balancer tout le reste par la fenêtre. Si pour coucher régulièrement avec elle, je dois renoncer au skate, m’infliger les goûts musicaux foireux de son père, alors je suis pas sûr de le désirer tant que ça. D’ailleurs, j’ai une réponse au sujet de Morgane. Regarde moi. Je suis seul.
-Et complètement irrécupérable.
Il s’était marré franchement. Ou grassement. En même temps, dans la gorge de François, c’était du pareil au même. Et puis il s’était endormi. Nous y revoilà.
J’ai délicatement pris les clés de l’appartement sur la table basse du salon, submergée par les bouteilles de bière. Sur le frigo, une note de François, griffonnée à la va-vite, et quelques instructions pour récupérer le merchandising. Dans le dix-neuvième, métro Ourq. J’en avais pour au moins une heure.
J’avais si mal au crâne. Le Bandol. L’omelette de François. La chaleur de l’appartement. La fatigue. La vague impression de faire tout ça pour rien. Et puis les premières notes de « I hate to say I told you So » de The Hives, ont retenti dans mon casque. Cette chanson puissante, cette mélodie qui vous accroche le cœur, cette chevauchée si pop, si punk.
Si pop-punk.
J’ai commencé à fredonner le refrain en martyrisant la serrure.
François s’est agité un peu.
Do What I want cause I can and if I don’t - Because I wanna!
Je renaissais dans le rock acide d’une bande de dandys suédois.