21/12/2010

CHAP.3 Revolution starts at home, preferably in the Bathroom Mirror (Bob Mould)


En rentrant, j’ai repensé à ce qu’il m’avait dit sur mes influences. En plus d’être cultivé, ce type était un blagueur. Parce que je n’en sais foutrement rien.
Les influences sont des forces. Ce sont des circonstances, des personnes, qui exercent une action aussi irrésistible que celle des marées. Est-ce que j’ai été influencé par des des disques ou des musiciens? Je suis incapable de le dire. Ce qui a pu m’influencer dans le songwriting, j’ai beaucoup de mal à mettre le doigt dessus. Je pourrais dire que j’ai été influencé par tous les groupes que j’ai écouté, mais ce serait aussi faux que de prétendre qu’aucun musicien ne m’a jamais influencé. Ainsi, j’ai toujours adoré Samiam. Mais je pense également que Second Rate est un groupe d’exception, qui manie la langue, les mélodies et donc les émotions avec une virtuosité sans pareille. Bien entendu, je ne jouais pas comme Second Rate. D’abord, j’étais seul, je n‘avais pas assez de moustache et le Picon me rebutait. Second Rate ne m’a pas «influencé». Et ce gros bonhomme si ramonesque avait jugé que ma manière de jouer ressemblait à celle des Rates, l’un des nombreux groupes dont j’ai écouté et admiré l’œuvre, comme celle de Samiam, quand j’avais encore vingt ans. Mes influences viennent d’autres domaines et la manière dont-elles se sont exercées sur moi étaient souvent mystérieuses à première vue, parfois même à la limite du miraculeux. Plus je composais, plus j’étais conscient de ces influences. Elles se collaient à mes synapses enjoués et ne me laissent toujours pas. Ce sont-elles qui ont fait qui m’ont fait prendre la direction que j’ai prise, qui m’ont amené à m’occuper de ce petit bout de terre plutôt qu’un autre ; plutôt que cet autre, là bas, de l’autre côté de la rue. Mais si l’influence qui a pesé le plus sur ma vie a été, comme je le pense, un souvenir négatif, un lambeau du passé, étouffant et souvent épuisant, là, au milieu de la nuit, quand les suées et les larmes me tiraillent, que je m’imbibe d’alcool bon marché et me bourre de cachets, qu’est-ce que je vais pouvoir en déduire?
Il y’a un autre souvenir qui pourrait être intéressant, du genre, « influent ». J’avais une quinzaine d’années, j’avais connu l’alcool toute ma vie. Mes copains buvaient aussi, mais ils tenaient le coup. On prenait de la bière, des cigarettes, une ou deux filles et on allait à la vieille usine. On déconnait. On écoutait des mixtapes de Nirvana, Afghan Whigs… Du label Sub Pop en somme. Des fois, on faisait semblant d’être bourrés pour que les filles s’en inquiètent. Elles nous fourraient les mains dans le froc pendant qu’on restait là à essayer de ne pas rire, ou alors elles s’allongeaient, fermaient les yeux et se laissaient caresser doucement. Un soir, tout le monde est rentré et j’ai dormi toute la nuit dans cette usine désaffectée, avec mon meilleur ami. On a regardé les étoiles et le punk rock californien avait cessé de tourner depuis des heures. Je me disais que c’était ça, la vie, les amis, l‘amour, les ciels étoilés, et que je n’avais pas encore envie d’y renoncer. Quelqu’un avait éteint une cigarette sur un CD de Jesus Lizard. Tout un symbole.
Et c’est comme ça que mon « aventure » musicale a démarré, une dizaine d’années plus tard, quelques mois avant de reprendre la boutique. Les « influences » prennent parfois cet aspect là. Tous les musiciens sont soumis à des influences de cette nature mais j’étais profondément déséspéré de constater que la pire des souffrances ne donnait rien de bon , juste quelques morceaux d’une folk passable aux accents vaguement pop.
Les influences. Samiam et Second Rate. J’ai une dette immense envers eux. Mais c’est surtout Inês qui compte. Son influence est plus déterminante que toutes les autres. C’est elle qui a modelé ma vie et ma musique. Et elle continue à m’influencer. Car mes jours ne sont pas plus lumineux qu’autrefois, et les silences sont toujours aussi propices.

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